C.
La portée de la découverte |
|
1)
Le rôle de la presse |
|
En cette
période de libération, la presse est naturellement impliquée dans la
diffusion des informations. Suite à la fin de l’occupation, les journaux se
multiplient et sortent de l’ombre exerçant leurs droits retrouvés. |
|
![]() Une de l'Humanité de septembre 1944 |
|
Paradoxalement, si quelques articles paraissent à propos de la découverte des camps, cet événement ne fait pas les gros titres, « Les esprits sont ailleurs » comme le note Annette Wieviorka. De plus, en
France, les autorités n’encouragent pas les révélations des témoins par
crainte de mettre en danger les déportés toujours retenus ou d’affoler les
familles, développant d’autant plus l’incrédulité de l’opinion publique. A
propos de celle-ci, René Payot constate : « Il y a des horreurs auxquelles
l’esprit se refuse à croire parce qu’il ne peut point se les représenter ;
c’est pourquoi l’on reste souvent sceptiques en lisant des descriptions de
choses affreuses… ». |
|
Si, dès
l’hiver 1944, certains reporters de guerre suivant les troupes peuvent
découvrir, comme elles, des camps, ceux-ci sont vides. Les installations
d’extermination y ont été démontées et ces journalistes ne peuvent
qu’imaginer l’ampleur du génocide. Ils sont toutefois orientés dans cette
tâche, comme à Majdanek, par des monceaux de chaussures, de vêtements, de
lunettes… que les Allemands n’avaient pas eu le temps de détruire et qui
évoquaient à eux seuls l’étendue de la destruction. |
|
|
|
|
Par la suite,
certains camps connurent une médiatisation moins forte que d’autre, ainsi
Dora fut libéré dans l’ombre de Buchenwald. Il existait alors une surenchère
de l’horreur. |
« Buchenwald est au-delà de la compréhension. Vous ne pouvez pas comprendre, même si vous avez vu. » témoigne Percy Knauth. Il souligne bien le sentiment partagé par l’ensemble de la presse face aux restes du système concentrationnaire nazi. Confrontés
à l’effroi que leur inspirent les amoncellements de cadavres squelettiques,
dont la figure n’est parfois plus humaine, les reporters tentent par une
multiplication des descriptions où s’accumulent les superlatifs, de faire
comprendre au monde ce que l’on se refuse souvent à croire. Dans Le
Journal de Genève du 16 avril 1945, René Payot écrit : « L’être
civilisé ne conçoit pas qu’on puisse tourmenter des hommes et des femmes et
les faire glisser par d’indicibles souffrances vers la mort sordide ». |
|
|
Le choc des
premiers instants passé, les journalistes sont ensuite assaillis par la
vérité des camps. Leurs articles se tournent vers quelques témoignages et
l’on y trouve plus d’une fois le récit des ignominies des mécanismes de la
« solution finale ». Le 15 juin 1945, dans un article de Point de vue,
Christian Champy décrit les expériences pseudo- médicales qui eurent lieu à Natzweiler-Struthof. |
Au delà de la
presse écrite, le rôle de l’image est prépondérant. Les premières seront
celles des Américains entrés au Struthof en novembre 1944. Puis, en
mars-avril 1945, l’opinion découvre les visages des déportés. Mais, c’est
alors que l’Allemagne capitule, en mai 1945, que les photographies
envahissent les journaux, les images de charniers se succèdent, et
atteignent enfin les actualités cinématographiques. En juin, même si en
France, la différence n’est pas toujours faite entre prisonniers de guerre,
civils Juifs et déportés politiques, les magazines consacrent des numéros
spéciaux aux « crimes nazis ». Parmi eux, Point de vue, Objectif
et le Magazine de France. |
|
|