3) Juste après la libération : l'improvisation
 

Nous avons pu voir dans notre présentation géographique de la découverte des camps que dans bien des cas celle-ci n’était due qu’au hasard. De ce hasard naît l’improvisation. Celle-ci, générale, s’exprime dans tous les domaines de la gestion de la libération.
 

La première réaction des quelques soldats qui arrivent sur les lieux est d’alerter leur commandement afin d’avertir de leur découverte et de réclamer des secours et des vivres. Bien souvent, dans l’attente de ceux-ci, ils offrent leurs rations ainsi que des cigarettes aux détenus les plus proches. A Vaihingen, Robert Audibert fait face à une telle situation : « Comprenant l’importance de l’affaire et l’urgence des secours à organiser, je sortis du camp, et à partir de notre jeep radio, je rendis compte au P.C. du colonel Pommiès […] ».
 


Un infirmier à Mauthausen
 


Un examen à Auschwitz
 

Confrontés aux différentes maladies contagieuses répandues dans les camps, les infirmiers des forces armées se voient dans l’obligation de maintenir momentanément les déportés, effrayés par une nouvelle privation de liberté, sous surveillance à l’intérieur de leur ancienne geôle.
 

Les soins apportés aux très faibles détenus témoignent de cette précipitation. A Nordhausen, par exemple, les Américains évacuent les survivants vers les hôpitaux de l’armée ou expulsent des Allemands de leurs appartements en ville, qu’ils utilisent comme des cliniques de fortune.
 

A Sachsenhausen, note Louis Péarron, « les services américains sont débordés par tant de misère. Ils n’ont rien prévu pour les malades et les blessés et leur accueil n’est pas toujours chaleureux ».
 


Un médecin à Bergen-Belsen
 


Le repas d'un déporté de Dora
 

De même, l’apport de nourriture, parti d’une bonne intention, est souvent source de nouveaux maux. En effet, celui-ci est mal adapté à la situation : de nombreux hommes mourront d’avoir trop mangé, leur organisme n’y étant plus habitué alors que d’autres décèderont faute de ne pas avoir eu accès à la nourriture. A Bergen-Belsen, les Britanniques ne comprennent qu’au bout de deux jours la nécessité d’offrir une nourriture spéciale aux mourants.
 

Surpris par la nature de leur découverte, les Alliés sont souvent débordés par les évènements. Pendant qu’ils tentent d’apporter leur soin aux malades, ils doivent gérer l’organisation hiérarchique des camps. Dans certains divisés en camps majeurs et mineurs, comme on a déjà pu le voir, les kapos conservent leurs avantages et autorité bien après la libération. Dans d’autres les meurtres et fusillades continuent tandis que les pillages se multiplient.
 

Les milliers de corps se trouvant dans les camps sont un autre facteur à prendre en compte au moment de la libération. D’ailleurs l’enfouissement des corps sera souvent confié à la population locale, réquisitionnée, et aux S.S. prisonniers. Ces enterrements sont d’abord anonymes et massifs dans la crainte de la propagation de maladies. Par la suite, ils seront individuels.
 


Des civils enterrent des corps à Bergen-Belsen
 

Enfin, les forces armées tentent de rapatrier une partie des survivants, mais là encore, l’improvisation domine.