A. A l'heure de la libération
 

1) L'avis des soldats
 
a) En arrivant aux camps
 

  La découverte des camps de concentration se fit tout naturellement par les forces combattantes alliées au fur et à mesure de l'avancée au sein de l'ex-troisième Reich. C'est ainsi qu'au printemps 1945, les nouvelles libérations se poursuivent, jour après jour. Les témoignages des soldats nous permettent de connaître les premiers points de vue extérieurs sur les camps.

Le premier sentiment qui s'imposa aux soldats – et bien que, pour beaucoup ils aient connu la terrible vie au front depuis le débarquement en Normandie, plus d'un an auparavant – fut une sensation profonde d'horreur.
 

Bien sûr la première image qui assaille les soldats est souvent les amoncellements de cadavres dispersés à travers les camps. C’est ainsi que à Ohrdruf où les SS fuyants ont liquidé une majorité de détenus, les Américains découvrent des corps, éparpillés entre les baraquements ou à moitié carbonisés sur des bûchers. D’ailleurs, de ces cadavres en décomposition émane une odeur « presque visible qui [pèse] sur le camp comme un brouillard de mort » (Capitaine Pletcher, américain). De même un soldat témoigne : « l’odeur de crasse, de cadavres et d’égouts était si forte que j’essayais de ne pas respirer ».
 


 Un tas de cadavres à Dachau
 


Valises
 

Les alliés commencent à appréhender l’étendue du massacre lorsqu’ils découvrent les empilements des biens des détenus exterminés.

Ainsi un commandant soviétique se souvient : « Je me rappelle avoir ouvert la porte d’un grand hangar qu’ils appelaient le « Canada ». Il était plein de valises empilées les unes sur les autres. Il y avait des valises et des valises pleines de lunettes d’enfants, et j’ai pensé, je m’en souviens, que lorsque les Allemands tuaient les petits enfants, ils ne jetaient pas leurs lunettes. Ils les gardaient pour les réutiliser. Et les cheveux : j’ai vu tous ces cheveux. Des cheveux de femmes, de toutes les couleurs, et je me suis demandé : combien de femmes a-t-il fallu tuer pour recueillir tous ces cheveux ? ».
 


Brosses à dents

 


Tas de cheveux
 

Ce qui choqua peut être le plus, car étant l’expression de la barbarie nazie, fut sans doute la confrontation avec les fours crématoires, parfois encore emplis de corps carbonisés.
 


Fours crématoires de Buchenwald
 


Un soldat soviétique devant un four crématoire à Lublin

 

Mais les soldats ne trouvent pas seulement des cadavres, ils découvrent également des prisonniers « transformés […] en véritables squelettes vivants »  (Genéral Pétrenko, russe).
 


Quelques survivants
 


L'enthousiasme à la libération de Auschwitz
 

Les libérateurs témoigneront de ces êtres agonisants encore capables de faire preuve d’enthousiasme face aux soldats alliés qui sont portés en triomphe, embrassés, etc.

Le Général Pétrenko, toujours lui, s’exprime en ces termes : « [Deux des déportés] se sont arrêtés, se sont mis à sourire et à battre des mains en regardant mon étoile de héros de l’Union Soviétique ».
 

Pourtant les détenus sont souvent entre la vie et la mort, certains n’ont pas la force de sortir des baraquements où ils sont entassés à trois par châlits, mourants de faim et à demi fous.
 


L'intérieur d'une baraque à Buchenwald
 

Il est toutefois à remarquer que dans bien des cas, la libération se fait sans combat, les SS ayant fuit les camps et les prisonniers en  « bonne » condition physique s’étant emparés des centres névralgiques du camp, comme à Buchenwald. Souvent aussi, la découverte est due au hasard. Par exemple, toujours à Buchenwald, le premier américain arriva par hasard.

La surprise relative que furent les camps pour les Alliés, entraîna un manque d’organisation, ce qui peut dans une certaine mesure expliquer ce que nous rappelle l’historien américain Abzug parlant des « petits camps » de Buchenwald : « Les jours après la libération les barbelés étaient toujours là et les Kapos les plus sadiques faisaient toujours la loi dans les baraques. Pendant que, le 12 avril, une cérémonie de la liberté était tenue sur la grande place d’appel du camp, les prisonniers du petit camp pourrissaient dans leurs baraques. »
 

b) Face aux "marches de la mort"
 


Photo clandestine prise par un civil allemand
 

Face à l’avancée des armées alliées les SS abandonnent souvent les camps, non sans pousser devant eux, par tous les temps, les détenus encore valides et en éliminant avant leur départ un maximum de ceux qu’ils laissaient derrière eux, tout en détruisant les preuves de leurs crimes qu’étaient les chambres à gaz ou les registres de déportés.

Commencèrent alors les « marches de la mort », nouvel enfer pour les prisonniers déjà épuisés et sous alimentés, que les SS n’hésitent pas à massacrer lorsqu’ils n’avancent plus. C’est ainsi que les SS jetèrent sur les routes près de 35 000 détenus pour un « voyage hallucinant » : 70 kilomètres à pied, puis dix jours en wagons, sans nourriture ni eau. Les traînards sont abattus sur place. Les troupes armées découvrent donc au fur et à mesure de leur avancée des cadavres, tués d’une balle de fusil dans la tête, jonchant le bas côté.
 


Dessin de Sala Smulevic

 

Au commencement des évacuations, pour ceux des détenus qui survivent au voyage, les attend de nouvelles épreuves. C’est ainsi qu’ils sont convoyés vers des camps de regroupement, comme Bergen-Belsen, où se développent à un rythme effrayant les maladies que sont le typhus ou la tuberculose.
 

Les SS dans leur marche désespérée vers l’Ouest entassent parfois leurs prisonniers dans des wagons à bestiaux où ils les abandonnent à une mort certaine. Ces wagons, sont découverts souvent par hasard, chaque jour apportant aux Alliés de nouveaux charniers. Comme, lorsque fin avril, un train entier de déportés de Buchenwald, parti au début du mois, est trouvé près de Dachau, sans aucun survivant.
 


Les Américains découvrent les convois de la mort

 

D’autres moyens de transport furent utilisés, tels que les bateaux et menèrent à de nouveaux massacres, parfois involontaires, c’est ainsi qu’il faut évoquer la tragédie de la baie de Lübeck. En effet, le 3 mai 1945, l’aviation britannique bombardait, dans l’ignorance de la nature de leurs passagers, plusieurs navires. Des milliers de prisonniers tout juste sortis des camps grâce à la Croix Rouge furent tués.